A la suite de l’occupation du centre des Finances Publiques de Saint-Sulpice le 20 mai 2014 par la campagne « Stop au racket sur les cotisations sociales des sans-papiers, stop à l’injustice fiscale », nous avons obtenu une audience avec les services de la gestion fiscale à Bercy : M. Bruno ROUSSELET, chef du service de la gestion fiscale, Mme Maryvonne LE BRIGNONEN, inspectrice des finances, M. Jean-Luc JACQUET, chef de la cellule de suivi des relations avec le contribuable, et M. Olivier BURELLE, responsable de la section juridique.
En préambule, notre délégation (Droits Devant !, CSP 17, CSP 93, Intégration 21, ATMF, Sud Travail, Solidaires Finances Publiques) a situé cette réunion dans le contexte politique actuel – les expulsions des camps de Roms d’Aulnay-sous-Bois et de migrants à Calais. Respectivement faites au lendemain des élections municipales et des élections européennes, celles-ci sont symptomatiques des erreurs politiques du gouvernement, qui a essayé de récupérer une partie de l’électorat du Front National en stigmatisant les populations migrantes. Les organisations membres de notre campagne dénoncent cette politique opportuniste et raciste.
Le chef du service de la gestion fiscale, M. ROUSSELET, a tenu à exprimer son plaisir de nous accueillir dans les locaux de Bercy, et a affirmé écouter nos revendications, dans la continuité des réunions organisées depuis maintenant cinq ans. A noter que du côté du cabinet du ministère des Finances, personne n’a répondu à notre invitation pour discuter des aspects économiques et sociaux de notre campagne…
La première partie de la réunion a porté sur les nombreuses difficultés que rencontrent les sans-papiers face à l’administration fiscale, malgré les nombreuses avancées obtenues depuis 2008.
Le service de la gestion fiscale s’est engagé à ce que la Direction générale des Finances publiques fonctionne dans les règles du droit et sans discrimination vis-à-vis des sans-papiers
Six points principaux ont été abordés, auxquels M. Bruno ROUSSELET a apporté les réponses suivantes :
1/ Des difficultés de réception des déclarations pré-remplies dans les foyers, et surtout le refus de certains gestionnaires de foyers de fournir des attestations d’hébergement aux occupants, documents nécessaires à la saisie de leur déclaration.
M. Bruno ROUSSELET encourage les responsables de sites fiscaux à contacter les gestionnaires des foyers pour obtenir les listes de résidents et prendre ainsi la mesure de l’importante population qui y réside (les chambres à 4, 5, 6 résidents voire plus, cela existe !). Les gestionnaires de foyer sont hélas parfois frileux, de peur que l’important dépassement des capacités d’accueil de leurs établissements ne soit dénoncé.
2/ Une gestion fiscale toujours difficile pour les personnes travaillant sous alias (emprunt de l’identité d’un proche ayant un titre de séjour pour être embauché). Les déclarations pré-remplies créditent le propriétaire des papiers de plusieurs salaires, ce qui provoque une imposition bien supérieure à la somme des impositions qui devraient être faites à chaque travailleur.
Pour les travailleurs sous alias, M. Bruno ROUSSELET affirme qu’il est toujours possible de corriger les déclarations pré-remplies avec les vrais montants gagnés. Les courriers explicatifs faits lors des permanences fiscales permettront une meilleure compréhension du problème. Le service de la gestion fiscale s’engage à examiner la circulaire du ministère de l’Intérieur sur le point des certificats de concordance (certification qu’un employé X travaille sous le nom Y d’une autre personne) afin de faciliter juridiquement la prise en compte des contentieux.
3/ Des refus de saisie ou de distribution de déclarations opposés aux sans-papiers, parfois avec menace de dénonciation à la police, même si cela est devenu marginal par rapport aux premières années de la campagne.
Les consignes internes de la Direction générale des Finances publiques ont été répétées : il ne doit pas y avoir de refus de l’administration sur ces deux points !
4/ Des refus de certaines domiciliations administratives par des services fiscaux, sans justification.
Seules les domiciliations non agréées peuvent être refusées, toutes les autres doivent et seront prises en compte. Cela sera reconfirmé dans une communication interne de la Direction générale des Finances publiques.
5/ Des demandes de preuves de présence sur le territoire dérivant sur la demande de titre de séjour ou passeport, ou plus simplement sur la demande de preuves d’une présence de plus de six mois sur le territoire (durée qui n’est pas le seul critère d’analyse du bien-fondé au dépôt d’une déclaration de revenus). Certaines de ces demandes semblant liées à la chasse à la fraude sur la Prime Pour l’Emploi. A noter que nous conseillons toujours lors des permanences fiscales de ne pas noter les heures travaillées en cas d’absence de fiches de paie. Même si l’employeur est le fraudeur, ce sera le travailleur sans papier qui sera l’objet du contrôle…
Ces demandes de preuves ont pour but de s’assurer de la présence sur le territoire, particulièrement lors de dépôts sur les trois années antérieures. La direction du service fiscal tient à ces contrôles et met en avant l’importance de la crédibilité et de la validité des avis d’imposition au regard des autres administrations. Cependant, une certaine hauteur de vue doit être de mise lors du traitement des déclarations, et la règle des six mois de présence n’est aucunement le seul critère de validité de dépôt d’une déclaration.
6/ Des pertes de certains dossiers fiscaux de sans-papiers. Chaque cas a été expliqué par les délégués des collectifs de sans-papiers présents.
Le service de la gestion fiscale attend des remontées d’exemples pour analyse.
Sur tous ces points, la Direction générale des Finances publiques s’est engagée à recevoir le signalement de tous les problèmes concrets concernant l’actuelle campagne de déclaration, afin d’y apporter des correctifs. La campagne « Stop au racket sur les cotisations sociales des sans-papiers, stop à l’injustice fiscale » le lui transmettra en fin d’année. Rendez-vous est pris ! En attendant, des rappels seront effectués aux chefs de service, dans la lignée des notes de campagne qui ont été rédigées en prenant en compte la situation des sans-papiers.
La deuxième partie de la réunion a porté sur l’aspect politique de notre campagne. En l’absence d’une délégation du cabinet ministériel, la Direction générale des Finances publiques leur communiquera nos questions, qui restent les mêmes depuis de nombreuses années, et n’ont toujours pas fait l’objet de réponses :
- A partir du moment où vos services ont suffisamment de données sur l’existence fiscale et sociale des sans-papiers (nombre d’entre eux reçoivent une déclaration de revenus pré-remplie à leurs nom et adresse), sur leur apport à l’économie nationale (déclarations de revenus) et sur leur civisme fiscal, pourquoi continuer de les priver d’un titre de séjour ?
- Comment pouvez-vous accepter que le gouvernement dont vous êtes membre favorise le travail au noir, et donc la fraude fiscale et sociale des chefs d’entreprise qui exploitent les sans-papiers, en ne régularisant pas les travailleurs qui participent activement à l’économie dans le bâtiment, la restauration, l’intérim et l’aide à la personne notamment ?
- Pourquoi persistez-vous à pénaliser les travailleurs sans papiers contraints de travailler « au noir » en ne leur accordant pas la Prime Pour l’Emploi, alors qu’ils ont l’honnêteté de déclarer leurs revenus ?
M. Bruno ROUSSELET s’est engagé pour sa part à ce que la Direction générale des Finances publiques fonctionne dans les règles du droit et sans discrimination.
DROITS DEVANT !!
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